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Gérard Gartner, artiste tsigane, installé à Collonges La rouge en Corrèze, publie en 2019 deux nouveaux livres Dernier coup de poing et A la rencontre d’Alberto Giacometti. À 84 ans, il a décidé de mettre noir sur blanc ce qu’il a vécu et de rendre hommage aux personnes qu’il a rencontrées. « C’est plus facile pour moi d’écrire que de parler pour raconter mon histoire. » Ces deux ouvrages retracent sa carrière de la boxe à la sculpture. En 2016, Gérard Gartner, sculpteur de renommée internationale, avait déjà fait parler de lui en détruisant l’ensemble de ses œuvres à Douarnenez lors d’un évènement qu’il avait baptisé « Ultima Verba ». Gérard Gartner est né en 1935 à Paris d’une mère manouche et d’un père rom, venu de Russie qui vivaient sur un terrain d’Aubervilliers. Dans les premières années de sa vie, il est élevé par sa famille paternelle et apprend à lire et à écrire seul, à l’âge de 12 ans. Dans sa communauté, on l’appelle « Mutsa », le chat, pour son agilité et son regard perçant. Initié par un ami de son grand-père, le boxeur Théo Medina, il monte sur le ring. Le jeune homme devient champion de France amateur poids léger et dispute ensuite à Helsinki, Finlande, le championnat d’Europe professionnel. Mais dans ce monde de sportifs, on lui impose un rythme de vie qui ne lui convient pas. « Je n’avais pas un mode de vie très strict, je sortais beaucoup,» se rappelle-t-il. Dans Dernier coup de poing, il ne ménage pas le monde de la boxe anglaise, les manigances des managers et des organisateurs. A la mort de Théo Medina, Gérard Gartner démontre son sens de l’amitié en mettant tout en œuvre pour qu’il soit enterré près de son manager au cimetière de Pantin. Il enchaîne ensuite les petits boulots : patron de café, embaumeur ou encore garde du corps de ministres, dont André Malraux dans les années 1960. C’est aux côtés de Georges Brassens et Louis Lecoin qu’il commence à crayonner. Mais sa rencontre avec Alberto Giacometti bouleverse sa vision de l’art. Gérard Gartner qui s’est souvent rendu à l’atelier du sculpteur pour observer son travail, analyse, dans A la rencontre de Giacometti la démarche artistique de son maître : « C’est avec lui que j’ai commencé à sculpter et à me fabriquer mon idéologie, notamment sur la destruction des œuvres. Ce qu’il faisait n’était pas créer mais détruire, décrit l’artiste, il façonnait ses statues en enlevant plus de matière qu’il n’en ajoutait. » Gérard Gartner est parfois classé comme l’un des derniers dadas mais il refuse d’appartenir à ce mouvement né en 1916. « Ils nous ont trahis. Dada n’a pas été jusqu’au bout, il n’a pas détruit ses oeuvres. » Lui, en revanche a décidé de le faire et ce, depuis le début. Une philosophie qui renvoie également à ses racines gitanes où il n’y a pas d’héritage. On brûle la caravane d’un défunt avec ses affaires. Tout est intemporel, retourne à la poussière. Il a choisi symboliquement les 50 ans de la mise en terre de Giacometti, le 16 janvier 2016 pour cet évènement. Une vingtaine d’œuvres ont été détruites à la tronçonneuse. Compte tenu du volume à détruire, une grande partie s’est faite dans un centre de tri spécialisé entre Nantes et Rennes. « Pour montrer que les Gitans ne font pas que de la musique », il s’était fait le porte-parole des artistes tsiganes, en organisant à Paris, la Première Mondiale d’Art Tsigane en 1985, en écrivant la biographie Carnets de Route de son ami défunt Matéo Maximoff, premier écrivain rom de langue française et celle d’autres artistes. A travers ces œuvres, Gérard Gartner est resté fidèle à son aspiration profonde : rendre un hommage fraternel aux siens. A ceux qui ont la chance de le rencontrer, il sait insuffler une force joyeuse à l’image de son tempérament enjoué et énergique. En s’illustrant dans la sphère intellectuelle où l’on n’attendait pas un Tsigane, Gérard Gartner est aussi un exemple à suivre pour les nouvelles générations. Il accompagne Matéo Maximoff dans la lignée des Roms qui, en affirmant leurs compétences singulières, ont transgressé les clichés liés à leur appartenance ethnique. En oeuvrant pour la dignité de leur communauté, ils ont écrit une page d’histoire et incarnent l’espoir de l’évolution des Tsiganes de demain.